On vous a souvent répété qu’il faut bouger pour avoir moins mal.
Mais l’activité physique et la douleur chronique peuvent avoir des liens qui vont parfois vous compliquer la vie.
Souvenez-vous de la dernière fois où votre conjoint vous a proposé une promenade romantique en forêt. Bien entendu, vous n’avez pas osé dire non car la semaine avant cette promenade vous aviez déjà trop mal pour faire quelque chose avec lui. Alors, vous avez fait cette promenade. Sans lui dire que des douleurs sont déjà présentes.
Souvenez-vous du jour où vous vous êtes réveillé en vous disant qu’aujourd’hui tout compte fait vous aviez un peu moins mal que d’habitude. Vous avez alors décidé de ranger complètement le garage ou de nettoyer toutes les vitres. Après tout, il faut profiter du fait d’avoir moins de douleurs aujourd’hui !
La suite vous la connaissez certainement. Dans les deux cas, vous avez parfois présenté des douleurs plus fréquentes et/ou plus intenses dans les jours qui ont suivi. Pire, vous avez dû rester couché les 2-3 jours suivants.
Alors, avec le temps vous avez appris à moins bouger pour justement avoir moins mal. Vous êtes alors rentré dans un vrai cercle vicieux. Il faut bouger pour avoir moins mal mais quand vous bougez cela fait mal !
Qu’est-ce qui vous empêche de bouger ?
Avant de sortir du cercle vicieux, il faut d’abord bien comprendre ce qui vous empêche de bouger correctement pour avoir moins de douleurs chroniques.
3 choses vous empêchent de bouger :
- la douleur au moment de l’activité physique et/ou la douleur rebond qui est la douleur qui peut apparaître après l’activité ou dans les jours qui suivent
- la peur du mouvement ou kinésiophobie
La kinésiophobie s’appuie sur le mécanisme de renforcement négatif. Il s’agit de la peur du mouvement et de la réapparition de la douleur ou de la blessure.
- la peur de la douleur
Modèle cognitivo-comportemental de la peur liée à la douleur
Comment la peur de la douleur se met-elle en place ?
Voici l’explication proposée par le modèle cognitivo-comportemental de la douleur. Si la douleur qui résulte d’une lésion ou d’un effort est interprétée comme menaçante vous allez développer un catastrophisme vis-à-vis de la douleur. Ce catastrophisme va amplifier votre peur liée à douleur. En réaction, cela va entraîner une série de conséquences négatives en cascade : peur du mouvement, d’une nouvelle lésion, de la douleur, évitement/échappement, hypervigilance à la douleur, anxiété/humeur dépressive. Ces conséquences négatives seront alors responsables d’une plus grande incapacité et d’une évolution défavorable de votre douleur chronique. Vous entrez alors dans le cercle vicieux de la douleur chronique.
Le catastrophisme peut s’évaluer et se corriger dans le cadre d’un suivi psycho-algologique. Le suivi psycho-algologique correspond à une évaluation et à une prise en charge cognitivo-comportementale.
A l’inverse, si il n’y a pas de catastrophisme, l’évolution de votre douleur est plus favorable. En effet, vous vous exposez plus facilement aux activités de la vie quotidienne et à l’activité physique qu’elles impliquent.
Il y a ainsi deux réponses comportementales possibles à la douleur : l’affrontement ou l‘évitement.
Pourquoi faut-il bouger de manière adaptée et progressive pour avoir moins mal ?
Que veut dire « bouger » ? L’objectif n’est pas de vous préparer pour les prochains jeux olympiques. En d’autres termes, l’objectif n’est pas de vous obliger à avoir une activité sportive sauf si vous le souhaitez.
Bouger de manière adaptée et progressive vous permet d’éviter un déconditionnement physique/musculaire et une douleur rebond.
Il faut éviter deux pièges.
- l’absence d’activité physique conduira à un déconditionnement musculaire, une moindre résistance physique, une perte de la masse musculaire et un risque plus important de vous blesser
- l’excès d’activité physique ou une activité physique non adaptée conduira à une douleur rebond.
Dans les deux cas, vos douleurs chroniques et les handicaps et limitations fonctionnelles qui en découlent seront plus importants.
L’objectif sera donc d’apprendre à avoir une activité physique adaptée, équilibrée, progressive et régulière en utilisant le PACING.
Qu’est-ce que le PACING ?
Le PACING est une stratégie de coping qui vous permet d’améliorer vos douleurs chroniques. Le coping vient de « to cope with » ce qui signifie « faire face à ». En d’autres termes, le PACING est une stratégie d’adaptation active qui vous permet de mieux gérer l’activité physique pour avoir moins mal.
Au contraire, éviter les activités et ne pas bouger est une stratégie d’adaptation dite passive.
Le PACING consiste à adapter votre activité physique en respectant un certain rythme. Il s’agit de réaliser vos activités sans augmenter la douleur. C’est une stratégie à mettre en place dans le cadre d’une approche biopsychosociale de la douleur.
QU’EST-CE QU’UNE APPROCHE BIOPSYCHOSOCIALE ?
Quels sont les 6 objectifs du PACING ?
Le PACING a 6 objectifs :
- augmenter de manière adaptée et progressive votre niveau d’activité physique
- apprendre à respecter vos limites en fractionnant vos activités
- diminuer la fatigue
- diminuer la douleur
- lier l’arrêt d’une activité physique à la durée de l’activité et non pas à l’apparition de la douleur
- remplacer le « cycle de la douleur » par « le cycle activité/repos »
Comment mettre en place le PACING pour avoir moins mal ?
Voici 6 étapes à suivre pour mettre en place le PACING.
- Choisissez les activités que vous souhaitez faire plus souvent. De préférence, optez pour des activités que vous avez vraiment envie de faire plus fréquemment. Exemple : pouvoir me promener avec mon conjoint, jouer avec mes enfants, conduire …
- Déterminez le niveau de référence pour chaque activité. Le niveau de référence d’une activité est la quantité de cette activité qu’il est possible de faire sans que la douleur ne s’emballe [poussée, crise douloureuse]. Pour le définir, vous devez évaluer pendant combien de temps vous pouvez rester dans une position ou une activité douloureuse avant que la douleur ne devienne insupportable. Par exemple, demandez-vous combien de temps vous pouvez repasser en restant en station debout prolongée. Une heure ? Peut-être est-ce trop. Une demi-heure ? Peut-être que oui. Votre niveau de référence pour l’activité de repassage est donc une demi-heure. Vous devez ensuite tester votre niveau de référence et voir ce qu’il se passe réellement lorsque vous repassez pendant 30 minutes.
- Déterminez le niveau de référence pour la phase de repos. Le niveau de référence de la phase de repos est le temps nécessaire dans une activité reposante pour que le niveau de douleur soit supportable. Par exemple, demandez-vous après une demi-heure de repassage de combien de temps de repos vous avez besoin et de quel type de repos ? Boire un café est-il suffisant ? Peut-être pas. Vous asseoir un quart d’heure en lisant un magazine ? Peut-être. Votre niveau de référence pour la phase de repos est donc s’asseoir un quart d’heure en lisant quelque chose. Vous devez ensuite tester votre niveau de référence.
- Découpez/fractionnez vos activités en intercalant des périodes de repos limitées. C’est ce que j’appelle avec un peu d’humour la phase sandwich jambon/fromage. Vous voyez l’idée ? On alterne activité/repos, activité/repos. Jambon/fromage, jambon/fromage.
- Alternez les 2 phases ACTIVITE/REPOS au moins 70 % de votre journée
- Planifiez une évolution progressive de votre niveau de référence pour chaque activité. Par exemple, je peux rajouter 5 minutes chaque semaine à ma séance de repassage de 30 minutes pour viser l’objectif de repasser une heure sans soucis dans 6 mois. Progressez par étapes, soyez bienveillant et patient avec vous-même.
Vous pouvez vous aider d’un timer pour évaluer et tester vos niveaux de référence pour chaque activité et chaque phase de repos. Vous pouvez aussi l’utiliser pour vous assurer de bien respecter ce qui vous convient. Vous arrêterez ainsi votre activité parce que le temps est écoulé et non pas parce que vous avez trop mal.
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Article proposé par Thierry Joiris